Les questions que l'on se pose

Le monde du silence :
L’abuseur développe des stratégies et utilise la crédulité des adultes. Il s’arrange pour organiser sa vie autour des enfants, c’est la raison pour laquelle on retrouve nombre d’agresseurs d’enfants dans tout ce qui touche à l’enfance.

Savoir brancher le décodeur :
Un enfant essaye toujours de raconter sa souffrance, mais on ne sait pas l’écouter. Quand il dit « JE N’AIME PAS M. UNTEL », si on lui répond « POURTANT, IL NE T’A RIEN FAIT », symboliquement l’enfant comprend que ses parents ne l’entendent pas. Si l’adulte décide pour l’enfant ce qui est important et ce qui ne l’est pas, il lui supprime toute demande d’aide, car l’enfant s’imagine alors que l’adulte ne l’entend pas .

Pourquoi le décodeur ne fonctionne pas toujours : 
La faute nous en incombe quasiment tout le temps. Nous voudrions que tout aille toujours bien, nous pratiquons en général, la politique de l’autruche que nous transmettons aux enfants en leur disant des paroles du style « JE VOIS BIEN QUE TU MENS, TON NEZ S’ALLONGE ». L’enfant s’imagine alors que le parent est au courant et qu’il est d’accord. Il faut détecter ce genre d’histoires le plus tôt possible, car les menaces des agresseurs n’ont pas eu le temps d’être totalement intégrées.

UN ENFANT QUI PARLE ET NE DÉCLENCHE RIEN, SE RENFERME

Oser voir,entendre ....

Oser entendre la parole d’un enfant abusé sexuellement.

La révélation des abus vécus dans la famille n’est jamais facile.  L’enfant ignore le plus souvent que la situation qu’il vit est “anormale” et qu’il a des droits. Ce qui se passe en famille est sa norme. Quand l’enfant réalise l’anormalité de ce qu’il vit, il est envahi par la honte et la culpabilité. Il se tait surtout parce qu’il est menacé et sommé de le faire.

Tout enfant est en quête affective.  Quand un adulte profite de cette quête pour offrir une réponse d’ordre sexuel, il abuse de l’enfant, il le trompe et l’emprisonne. Il lui vole son enfance.  L’enfant peut alors adopter un comportement de survie, un comportement ambivalent. Il est débordé de sensations qu’il ne peut pas intégrer. Il est soumis au secret imposé par son abuseur.

Alors, quand l’enfant ose parler, osons l’écouter. Généralement, sauf dans de rares exceptions, l’enfant n’invente pas le récit d’une agression sexuelle.  Honte et peur sont les sentiments dominants. Son récit est fait dans ses mots et n’est pas élaboré avec une chronologie précise. Croire l’enfant et le lui dire est essentiel. Celui-ci, après avoir parlé, peut se rétracter. Ce symptôme fait partie des mécanismes d’accomodation au traumatisme. Il peut s’agir d’un revirement spontané parce que l’enfant se sent coupable d’avoir parlé ou parce qu’il est soumis à des pressions familiales.

Oser dire qu’un enfant est abusé sexuellement

Il faut avoir le courage de repérer et de dépasser nos résistances face à cette violence.  La perspective d’un signalement n’est jamais une tâche facile mais combien nécessaire pour protéger l’enfant.

L’abus sexuel est un piège qui enferme la victime et les témoins. Dès sa naissance, le corps de l’enfant est livré à sa famille, puis à des proches, et de tous temps, cette vulnérabilité a poussé des adultes à en profiter.  Cette violence impensable est enfouie en nous, elle court-circuite nos pensées et nos actions. Les familles incestueuses suscitent en nous des mécanismes inconscients de défense. Nous les mettons en place à notre insu, pour sauver nos représentations parentales, notre idéal familial ou professionnel, et plus largement notre vision de l’humanité. Prenons garde à ces idéologies qui nous font refuser l’évidence du mal et nous protègent de l’angoisse.

Sortir du silence et du secret, de la confusion et de la honte engendrées par les climats incestueux, c’est soutenir l’enfant dans ses propres efforts de résistance et sa volonté de résilience.  Il attend cela de ses tuteurs et compte sur eux pour le protéger.  L’enfant victime d’inceste en veut souvent davantage à ceux qui ne l’ont pas protégé de ces situations d’abus.

Résumé d’un texte de Dr Dominique Boutrolle, pédiatre